
Avez-vous déjà vécu ce moment où votre enfant refuse catégoriquement de mettre son manteau alors qu’il fait un temps à ne pas mettre un chat dehors ? Ou ce petit qui insiste pour grimper tout seul sur une structure de jeu manifestement trop haute pour lui ? Face à ces situations, j’oscille souvent entre l’envie d’imposer ma décision d’adulte et celle de laisser mon enfant découvrir par lui-même pourquoi certaines règles existent. C’est précisément dans ces moments-là que je me retrouve à appliquer, parfois sans même le savoir, ce qu’on appelle aujourd’hui l’approche "FAFO".
En tant que père de trois enfants, j’ai expérimenté diverses méthodes éducatives au fil des ans. Certaines ont fonctionné, d’autres beaucoup moins. Aujourd’hui, je souhaite partager avec vous une approche qui fait débat mais qui, appliquée avec discernement, peut aider nos enfants à devenir plus autonomes et responsables.
Table des matières
Qu’est-ce que l’approche FAFO exactement ?
L’acronyme FAFO vient de l’expression anglaise "Fuck Around and Find Out" (que l’on pourrait traduire poliment par "Fais l’expérience et découvre les conséquences"). Rassurez-vous, malgré ce nom un peu provocateur, il s’agit d’une méthode éducative qui repose sur un principe simple : permettre aux enfants d’apprendre par l’expérimentation et les conséquences naturelles de leurs actes.
Concrètement, cette approche consiste à :
- Informer l’enfant des risques potentiels d’une situation
- Le laisser faire ses propres choix (dans les limites de sa sécurité)
- Le laisser expérimenter les conséquences naturelles qui en découlent
- L’accompagner dans sa réflexion après l’expérience
Le principe fondamental est de permettre à l’enfant de comprendre par lui-même pourquoi certaines règles ou recommandations existent, plutôt que de les imposer d’autorité sans explication.
Je me souviens d’une situation avec ma fille aînée, alors âgée de 7 ans. Elle refusait obstinément de ranger ses jouets malgré mes multiples rappels. Au lieu de m’énerver ou d’imposer une punition, j’ai décidé d’appliquer une approche de type FAFO : "Si tu préfères ne pas ranger tes jouets maintenant, c’est ton choix, mais je ne pourrai pas t’aider à retrouver ceux que tu chercheras demain matin avant l’école." Le lendemain, quand elle a cherché désespérément sa poupée préférée pendant 20 minutes, la leçon a été beaucoup plus efficace que n’importe quel sermon.
Une tendance éducative qui divise
Cette approche n’est pas nouvelle en soi, mais sa popularisation sous l’appellation "FAFO" date de 2022, quand une maman et infirmière spécialisée en psychiatrie, prénommée Janelle, a partagé sur TikTok son expérience lors d’un camping avec son fils. Elle y expliquait comment elle avait laissé son enfant décider de retirer son imperméable malgré la pluie, en le prévenant simplement qu’il serait mouillé et devrait se débrouiller seul. Quelques minutes plus tard, l’enfant comprenait par lui-même pourquoi un imperméable était nécessaire.
Cette vidéo a rapidement gagné plus de 350 000 vues et a déclenché un véritable débat sur les réseaux sociaux. Certains parents saluent cette approche comme une méthode efficace pour responsabiliser les enfants, tandis que d’autres la considèrent comme potentiellement négligente.
En février 2025, cette méthode a connu un regain d’intérêt lorsque Kylie Kelce, belle-sœur de la star de NFL Travis Kelce, a évoqué dans son podcast comment son mari Jason avait utilisé une approche similaire avec leur fille qui refusait de mettre un manteau. Il l’avait simplement emmenée dehors pendant moins d’une minute pour qu’elle constate par elle-même qu’il faisait froid. Résultat ? La petite a demandé à mettre son manteau sans protestation supplémentaire.
Les bénéfices potentiels pour nos enfants
En appliquant cette approche avec mes trois enfants dans différentes situations, j’ai pu observer plusieurs avantages :
1. Développement de l’autonomie
Lorsque les enfants prennent leurs propres décisions et en assument les conséquences, ils développent progressivement leur autonomie. Ma fille cadette a appris à préparer son sac d'école la veille après avoir oublié plusieurs fois ses affaires et avoir dû s’adapter en classe.
2. Renforcement du sens des responsabilités
Les conséquences naturelles aident les enfants à établir un lien direct entre leurs actions et les résultats qui en découlent. Mon fils, qui oubliait systématiquement de ranger son vélo, a rapidement changé ses habitudes après l’avoir retrouvé mouillé par la pluie un matin.
3. Amélioration de la capacité à résoudre des problèmes
Face aux conséquences de leurs choix, les enfants développent naturellement des stratégies pour résoudre les problèmes qu’ils rencontrent. J’ai vu mes enfants devenir plus créatifs et débrouillards dans de nombreuses situations.
4. Développement du jugement et de l’esprit critique
À force d’expérimenter et d’observer les conséquences, les enfants affinent leur jugement. Ils apprennent à anticiper les résultats potentiels de leurs actions et à prendre des décisions plus éclairées.
5. Réduction des conflits parent-enfant
J’ai constaté que nous passions moins de temps à argumenter sur les règles quand mes enfants comprennent par eux-mêmes pourquoi elles existent. Les batailles de pouvoir diminuent considérablement.
Les limites à ne pas dépasser
Si l’approche FAFO présente des avantages indéniables, elle comporte également des risques qu’il convient de bien comprendre :
La sécurité avant tout
Le point le plus important à retenir est que cette méthode ne doit JAMAIS être appliquée dans des situations où la sécurité de l'enfant est en jeu. Laisser un enfant toucher une plaque chauffante pour qu’il comprenne par lui-même qu’elle brûle serait évidemment inacceptable.
Comme l’explique Janelle elle-même dans sa vidéo devenue virale : "Nous faisons cela pour presque tout ce qui n’implique pas une inquiétude pour leur sécurité. S’il y a un danger, évidemment ils ne découvrent pas les conséquences."
L’adaptation à l’âge et à la personnalité de l’enfant
Tamara Glen Soles, fondatrice du Secure Child Centre, met en garde contre l’application de cette approche avec de très jeunes enfants : "Les très jeunes enfants peuvent ne pas être prêts sur le plan développemental pour les conséquences naturelles, car ils n’ont pas encore la capacité de prévision et le contrôle des impulsions nécessaires."
J’ai personnellement constaté que cette approche fonctionne beaucoup mieux avec ma fille aînée de 10 ans qu’avec mon fils de 4 ans, qui a encore besoin d’un cadre plus structuré pour comprendre les règles.
De même, comme le souligne Vanessa Lapointe, consultante en parentalité, laisser un enfant très sensible faire face à l’échec "va lui sembler comme la fin du monde". Il est donc essentiel d’adapter l’approche à la personnalité unique de chaque enfant.
Le risque d’interprétation négative
Certains enfants pourraient interpréter l’approche FAFO comme un manque d’intérêt ou de soutien de la part des parents. Il est donc crucial de l’accompagner d’une communication claire et bienveillante, en expliquant à l’enfant que nous sommes là pour le soutenir même si nous le laissons faire ses propres expériences.
Comment appliquer l’approche FAFO de façon équilibrée ?
Pour tirer le meilleur parti de cette méthode éducative sans tomber dans ses pièges, voici quelques conseils tirés de mon expérience personnelle et des recommandations d’experts :
1. Évaluez soigneusement les risques
Avant de laisser votre enfant expérimenter les conséquences naturelles, posez-vous ces questions :
- Y a-t-il un risque pour sa sécurité physique ou émotionnelle ?
- Les conséquences sont-elles proportionnées à l’action ?
- Mon enfant est-il en âge de comprendre le lien entre son action et les conséquences ?
Si la réponse à la première question est "oui", ou si les conséquences semblent trop sévères, mieux vaut opter pour une autre approche.
2. Communiquez clairement
J’ai appris qu’il est essentiel d’expliquer à l’enfant ce qui pourrait se passer avant qu’il ne fasse son choix. Par exemple : "Si tu choisis de ne pas mettre ton manteau, tu risques d’avoir froid. Je ne pourrai pas revenir à la maison pour t’en chercher un autre pendant la sortie."
Cette étape est cruciale car elle transforme l’expérience en apprentissage conscient, plutôt qu’en simple punition.
3. Restez présent et soutenez votre enfant
Contrairement à ce que certains critiques affirment, l’approche FAFO n’implique pas d’abandonner l’enfant face aux conséquences. Il est important de rester présent, d’offrir du réconfort si nécessaire, et d’aider l’enfant à réfléchir à ce qu’il a appris.
Quand mon fils a insisté pour porter des chaussures inadaptées lors d’une randonnée et s’est retrouvé avec des ampoules, je l’ai aidé à soigner ses pieds tout en discutant calmement de ce qu’il avait appris pour la prochaine fois.
4. Équilibrez avec d’autres approches éducatives
L’approche FAFO n’est pas une solution miracle qui convient à toutes les situations. Je l’utilise en complément d’autres méthodes éducatives comme :
Le redirectionnement : parfois, plutôt que de laisser un enfant expérimenter les conséquences d’un comportement inapproprié, il est plus efficace de rediriger son attention vers une activité constructive.
La parentalité positive : basée sur le respect mutuel, la communication claire et la mise en place de limites bienveillantes, cette approche se marie bien avec certains principes du FAFO.
Les techniques de régulation émotionnelle : apprendre aux enfants à gérer leurs émotions est souvent plus utile que de les laisser simplement faire face aux conséquences de leurs actes impulsifs.
5. Adaptez selon l’âge et le tempérament
Pour mes enfants plus jeunes ou plus sensibles, j’applique une version plus douce de cette approche. Par exemple, au lieu de laisser mon fils de 4 ans découvrir par lui-même les conséquences de ne pas ranger ses jouets, je peux lui montrer ce qui se passe en simulant la situation : "Regardons ce qui arrive quand les jouets restent par terre : papa ne les voit pas, marche dessus et ils risquent de se casser."
L’avis des experts : entre prudence et reconnaissance
Les spécialistes de l’éducation et de la psychologie infantile expriment des opinions nuancées sur l’approche FAFO.
D’un côté, des psychologues comme Sarah Vanstone reconnaissent l’importance des conséquences naturelles dans le développement de l’autonomie : "Les enfants apprennent mieux par l’expérience directe que par les explications verbales. Quand un enfant expérimente lui-même les conséquences de ses actes, l’apprentissage est plus profond et durable."
D’un autre côté, certains experts comme Tamara Glen Soles recommandent la prudence, particulièrement avec les plus jeunes : "Les enfants de moins de 6 ans n’ont pas encore développé complètement leur capacité à faire des liens de cause à effet à long terme. Il est donc important d’adapter l’approche à leur niveau de développement."
À ce jour, il n’existe pas d’études scientifiques spécifiques sur l’efficacité de l’approche FAFO, mais les recherches sur les conséquences naturelles dans l’éducation suggèrent qu’elles peuvent être bénéfiques lorsqu’elles sont appliquées de manière appropriée.
Des exemples concrets dans mon quotidien de père
Pour mieux illustrer comment j’applique cette approche dans ma vie quotidienne, voici quelques situations réelles que j’ai vécues avec mes enfants :
Les devoirs oubliés
Ma fille aînée avait tendance à oublier de faire ses devoirs pour regarder des vidéos. Au lieu de la punir ou de la forcer à s’y mettre, je lui ai simplement dit : "C’est ton choix de faire tes devoirs maintenant ou plus tard. Rappelle-toi juste que demain, c’est toi qui devras expliquer à ton enseignante pourquoi ils ne sont pas faits."
Après avoir dû faire face à son enseignante une ou deux fois, elle a commencé à prendre ses responsabilités scolaires plus au sérieux, sans que j’aie besoin de la surveiller constamment.
La gestion de l’argent de poche
Mon fils de 9 ans a reçu de l’argent pour son anniversaire. Quand il a voulu tout dépenser immédiatement pour un jouet, j’étais tenté de lui imposer d’économiser. J’ai finalement choisi de lui expliquer les conséquences : "Si tu dépenses tout maintenant, tu n’auras plus rien pour le livre que tu voulais la semaine prochaine."
Il a choisi de dépenser quand même, et la semaine suivante, quand il a vu le livre qu’il désirait, il a compris par lui-même l’intérêt d’économiser une partie de son argent. Cette leçon a été beaucoup plus efficace que n’importe quelle explication théorique sur l’épargne.
Les repas et les goûters
Mes enfants ont parfois tendance à bouder leur repas puis à se plaindre d’avoir faim une heure plus tard. Au lieu de céder et de leur préparer quelque chose entre les repas, j’applique une version mesurée de l’approche FAFO : "Si tu choisis de ne pas manger maintenant, tu devras attendre le prochain repas. Je ne préparerai pas de goûter spécial entre-temps."
Après quelques expériences de légère faim (rien de dangereux, bien sûr), ils ont commencé à prendre leurs repas plus au sérieux.
Les alternatives à considérer
Si l’approche FAFO ne correspond pas à votre philosophie parentale ou ne convient pas à votre enfant, voici quelques alternatives efficaces :
1. L’approche de la discipline positive
Développée par Jane Nelsen, cette méthode met l’accent sur le respect mutuel, la résolution de problèmes collaborative et les encouragements plutôt que les punitions. Elle utilise des "conséquences logiques" plutôt que naturelles, qui sont plus structurées et directement liées au comportement problématique.
2. Le parentage conscient (mindful parenting)
Cette approche encourage les parents à être pleinement présents et attentifs dans leurs interactions avec leurs enfants, à répondre avec empathie plutôt que de réagir émotionnellement, et à aider les enfants à développer leur conscience de soi et leur régulation émotionnelle.
3. L’approche des coins calme
Au lieu de laisser les enfants subir les conséquences de leurs comportements impulsifs, cette méthode propose de créer un espace dédié où ils peuvent se retirer pour se calmer et réfléchir. Ces "coins calmes" équipés d’outils de relaxation peuvent aider les enfants à apprendre l’autorégulation émotionnelle.
4. La méthode de résolution collaborative des problèmes
Développée par le Dr Ross Greene, cette approche considère que les comportements difficiles résultent de compétences non développées plutôt que d’un manque de motivation. Elle encourage les parents à résoudre les problèmes avec leurs enfants plutôt que de leur imposer des conséquences.
Mon bilan personnel sur l’approche FAFO
Après plusieurs années à intégrer certains aspects de l’approche FAFO dans mon quotidien de père, j’en tire un bilan nuancé. Cette méthode peut être extrêmement efficace pour aider nos enfants à développer leur autonomie et leur sens des responsabilités, mais elle n’est pas adaptée à toutes les situations ni à tous les enfants.
J’ai constaté qu’elle fonctionne particulièrement bien pour les apprentissages quotidiens comme l’organisation personnelle, la gestion du temps ou la prise de décisions simples. En revanche, pour les questions liées à la sécurité ou pour les enfants très jeunes ou particulièrement sensibles, d’autres approches peuvent être plus appropriées.
Ce que j’apprécie le plus dans cette méthode, c’est qu’elle me permet de sortir du rôle du parent-policier qui passe son temps à dicter des règles. Elle transforme les erreurs en opportunités d’apprentissage et renforce la relation de confiance avec mes enfants.
En fin de compte, être parent n’est pas une science exacte, et aucune méthode éducative ne peut prétendre fonctionner parfaitement dans toutes les situations. L’essentiel est de rester à l’écoute de nos enfants, d’adapter nos approches à leurs besoins uniques, et de les accompagner avec bienveillance dans leur développement.
Et vous, avez-vous déjà laissé vos enfants apprendre par les conséquences naturelles de leurs actes ? Comment cela s’est-il passé ? N’hésitez pas à partager vos expériences dans les commentaires !